Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 9.djvu/22

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Il avait loué un appartement très modeste, dans le haut Montrouge, non loin de Christophe et de Cécile. Le quartier était populaire, et la maison habitée par de petits rentiers, des employés, et quelques ménages ouvriers. En tout autre temps, il eût souffert du milieu où il se trouvait un étranger ; mais en ce moment, peu lui importait, ici ou là : il se trouvait partout un étranger. Il savait à peine qui il avait pour voisins, et il ne voulait pas le savoir. Quand il revenait du travail — (il avait pris un emploi dans une maison d’éditions) — il s’enfermait avec ses souvenirs, et il n’en sortait que pour aller voir son enfant et Christophe. Son logement n’était pas le foyer pour lui : c’était la chambre noire où se fixent les images du passé ; plus elle était noire et nue, plus nettement ressortaient les images intérieures. À peine remarquait-il les figures qu’il croisait sur l’escalier. À son insu pourtant, certaines se fixaient en lui. Il est telle nature d’esprits qui ne voient bien

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