Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 9.djvu/257

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

241
LE BUISSON ARDENT

s’aperçurent qu’ils tremblaient. Soudain — ce fut un éclair — elle se pencha vers lui, il se retourna vers elle ; leurs bouches se joignirent ; son souffle entra en lui…

Elle le repoussa et s’enfuit. Il resta, sans bouger, dans l’ombre. Braun rentra. Ils se mirent à table. Christophe était incapable de penser. Anna semblait absente ; elle regardait « ailleurs ». Peu après le souper, elle alla dans sa chambre. Christophe, qui n’aurait pu rester seul avec Braun, se retira aussi.

Vers minuit, le docteur étant déjà couché fut appelé auprès d’un malade. Christophe l’entendit descendre l’escalier et sortir. Il neigeait depuis six heures. Les maisons et les rues étaient ensevelies. L’air était comme rembourré d’ouate. Ni pas, ni voiture au dehors. La ville semblait morte. Christophe ne dormait pas. Il sentait une terreur, qui croissait de minute en minute. Il ne pouvait bouger. Cloué dans son lit, sur le dos, il avait les yeux ouverts. Une clarté métallique, qui sortait de la terre et des toits vêtus de blancheur, frottait les parois de la chambre… Un bruit imperceptible le fit tressaillir. Il fallait son oreille fiévreuse pour l’entendre. Un frôlement très doux sur le plancher du couloir. Christophe se dressa dans son lit. Le bruit léger se rapprocha, s’arrêta ; une