Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 9.djvu/279

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

263
LE BUISSON ARDENT

sonnes qu’elle n’avait point vues depuis plusieurs mois ; elles venaient, sous des prétextes variés, les unes craignant qu’elle ne fût malade, les autres prenant un intérêt nouveau à ses affaires, à son mari, à sa maison ; quelques-unes se montraient singulièrement bien informées de ce qui se passait chez elle ; aucune ne fit allusion — (par une maladroite adresse) — à son abstention de deux dimanches au culte. Anna se dit souffrante, parla de ses occupations. Les visiteuses l’écoutaient attentives, approuvaient : Anna savait qu’elles ne croyaient pas un mot de ce qu’elle disait. Leur regard se promenait autour d’elles, dans la chambre, fouillait, notait, enregistrait. Elles ne se départaient pas de leur bonhomie froide, au débit bruyant et affecté ; mais on voyait dans leurs yeux la curiosité indiscrète qui les dévorait. Deux ou trois demandèrent, avec une indifférence exagérée, des nouvelles de M. Krafft.

Quelques jours après, — (c’était pendant l’absence de Christophe), — le pasteur vint lui-même. Bel homme, et bonhomme, de santé florissante, affable, avec la tranquillité imperturbable que donne la conscience d’avoir à soi la vérité, toute la vérité. Il s’enquit avec sollicitude de la santé de sa cliente, écouta poli et distrait les