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LE BUISSON ARDENT

Elle dédaigna de répondre. Bäbi chassée eût été plus venimeuse encore que Bäbi tolérée ; et Christophe comprit le non-sens de sa question. Ses pensées se heurtaient ; il cherchait un parti à prendre, une action immédiate. Il dit, les poings crispés :

— Je les tuerai.

— Qui ? fit-elle, méprisante pour ces mots inutiles.

Sa force tomba. Il se sentit perdu dans ce réseau de trahisons obscures, où l’on ne pouvait rien saisir, où tous étaient complices. Il se débattait.

— Lâches ! cria-t-il, accablé.

Il s’effondra, à genoux devant le lit, son visage pressé contre le corps d’Anna. — Ils se turent. Elle éprouvait un mélange de mépris et de pitié pour cet homme qui ne savait ni la défendre, ni se défendre. Il sentait contre sa joue trembler de froid les jambes d’Anna. La fenêtre était restée ouverte, et dehors il gelait : on voyait, dans le ciel lisse comme un miroir, frissonner les étoiles glacées.

Quand elle eut savouré l’amère jouissance de le voir brisé comme elle, elle dit, d’un ton dur et lassé :

— Allumez une bougie.

Il alluma. Anna claquait des dents, ra-