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LA FIN DU VOYAGE

Mais dans les premiers temps, il eut plus d’un mécompte : les pauvres dont il dut se charger n’étaient pas tous dignes d’intérêt ; ou ils répondaient mal à sa sympathie, ils se méfiaient de lui, ils lui restaient fermés. D’ailleurs, un intellectuel a peine à se satisfaire de la charité toute simple : elle arrose une si petite province du pays de misère ! Son action est presque toujours morcelée, fragmentaire ; elle semble aller au hasard, et panser les blessures, au fur et à mesure qu’elle en découvre ; elle est, en général, trop modeste et trop pressée pour s’aventurer jusqu’aux racines du mal. Or, c’est là une recherche dont l’esprit d’Olivier ne pouvait se passer.

Il se mit à étudier le problème de la misère sociale. Il ne manquait point de guides. En ce temps, la question sociale était devenue une question de société. On en parlait dans les salons, au théâtre, dans les romans. Chacun avait la prétention de la connaître. Une partie de la jeunesse y dépensait le meilleur de ses forces.


Il faut à toute génération nouvelle une belle folie. Même les plus égoïstes parmi les jeunes gens ont un trop-plein de vie, un capital d’énergie qui leur a été avancé et qui ne veut point rester improductif ; ils cherchent