Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 9.djvu/329

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

313
LE BUISSON ARDENT

avait confiance, il connaissait la bonté de Cécile.

La réponse vint. Cécile disait que, trois mois après la mort d’Olivier, une dame en deuil s’était présentée chez elle, et lui avait dit :

— Rendez-moi mon enfant !

C’était celle qui avait abandonné naguère son enfant et Olivier, — Jacqueline, mais si changée qu’on avait peine à la reconnaître. Sa folie d’amour n’avait pas duré. Elle s’était lassée plus vite encore de l’amant que l’amant ne s’était lassé d’elle. Elle était revenue brisée, dégoûtée, vieillie. Le scandale trop bruyant de son aventure lui avait fermé beaucoup de portes. Les moins scrupuleux n’étaient pas les moins sévères. Sa mère elle-même lui avait témoigné un dédain si offensant que Jacqueline n’avait pu rester chez elle. Elle avait vu à fond l’hypocrisie du monde. La mort d’Olivier avait achevé de l’accabler. Elle semblait si douloureuse que Cécile ne s’était pas cru le droit de lui refuser ce qu’elle réclamait. C’était bien dur de rendre un petit être qu’on s’était habitué à regarder comme le sien. Mais comment être plus dur encore pour quelqu’un qui a plus de droits que vous et qui est plus malheureux ? Elle eût voulu écrire à Christophe, lui demander