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LE BUISSON ARDENT

venait et mettait à l’endroit ce qui était à l’envers et à l’envers ce qui était à l’endroit, elle saurait toujours se trouver sur ses pieds, elle ferait ce qu’il y aurait à faire, elle serait à sa place partout où elle serait placée. Au fond, elle n’avait dans la révolution qu’une croyance modérée. De foi, elle n’avait guère en quoi que ce fût. Inutile d’ajouter qu’elle se faisait tirer les cartes, dans ses moments de perplexité, et qu’elle ne manquait jamais de faire le signe de croix, au passage d’un mort. Très libre et tolérante, elle avait le scepticisme du peuple de Paris, ce scepticisme sain, qui doute, comme on respire, allègrement. Pour être la femme d’un révolutionnaire, elle n’en témoignait pas moins d’une maternelle ironie pour les idées de son homme et de son parti, — et des autres partis, — comme pour les bêtises de la jeunesse, — et de l’âge mûr. Elle ne s’émouvait pas de grand chose. Mais elle avait de l’intérêt pour tout. Et elle était prête à la bonne comme à la mauvaise fortune. En somme, elle était optimiste.

— « Il ne faut pas se faire de bile… Tout s’arrangera toujours, pourvu qu’on se porte bien… »

Celle-là devait s’entendre avec Christophe, ils n’avaient pas eu besoin de beaucoup de