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LE BUISSON ARDENT

a choisi les choses folles de ce monde pour confondre les sages ; et Il a choisi les choses faibles de ce monde pour confondre les fortes ; et Il a choisi les choses viles de ce monde et les choses méprisées et celles qui ne sont points pour abolir celles qui sont… »


Cependant, quel que fût le Maître qui gouvernait les choses, — (Raison ou Déraison), — et bien que l’organisation sociale préparée par le syndicalisme constituât pour l’avenir un progrès relatif, Olivier ne pensait pas qu’il valût la peine, pour Christophe et pour lui, d’absorber toute leur force d’illusion et de sacrifice dans ce combat terre à terre, qui n’ouvrirait pas de mondes nouveaux. Son espoir mystique de la révolution était déçu. Le peuple ne lui semblait pas meilleur, et guère plus sincère que les autres classes ; surtout, il n’était pas assez différent. Au milieu du torrent des intérêts et des passions boueuses, le regard et le cœur d’Olivier étaient attirés par les îlots d’indépendants, les petits groupes de vrais croyants, qui émergeaient çà et là, comme des fleurs sur l’eau. L’élite a beau faire et vouloir se mêler à la foule : elle va toujours à l’élite, — l’élite de toutes les classes