Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/109

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hommes sont bêtes ! Il croyait que, si l’on faisait des grâces, c’était pour ses beaux yeux… Tout de même, ils étaient beaux, ses yeux… Et maintenant, qu’est-ce qu’il allait faire, le poisson, entre les deux hameçons ? Est-ce qu’il avait la prétention de les gober toutes deux ? Qu’est-ce qu’il va décider ?… « Eh bien, mon vieux, choisis ! »

Elle ne faisait rien pour lui faciliter le choix, en s’effaçant devant Annette. Annette, pas davantage. À partir de ce moment, d’instinct elle redoubla d’efforts pour éclipser Sylvie. Les deux sœurs s’aimaient tendrement. Sylvie était aussi fière des éloges faits d’Annette qu’Annette de l’impression produite par Sylvie. Elles se conseillaient mutuellement. Elles veillaient aux détails de la toilette l’une de l’autre. Avec une science très sûre, elles savaient, par contraste, se faire valoir l’une l’autre. Aux soirées de l’hôtel, elles attiraient tous les regards. Mais en dépit qu’elles en eussent, ces regards instituaient une rivalité entre elles. Elles avaient beau s’en défendre, quand elles dansaient, elles ne pouvaient s’empêcher d’évaluer, chacune, les succès de l’autre. Surtout auprès de celui qui, décidément, les occupait beaucoup plus qu’elles ne l’eussent voulu… Il les occupait beaucoup plus, depuis qu’il ne savait de laquelle il était occupé le plus.