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ANNETTE ET SYLVIE 229

sentiment de ses imperfections l’amenait à une indulgence — plus voulue que sincère — pour celles de ces « magots… » (Encore !… L’impertinente !… « Pardon ! je ne le ferai plus !… ») Puisqu’ils étaient les parents de Roger, elle devait les accepter, si elle acceptait Roger… Toute la question était de savoir si elle acceptait Roger. Le reste, mon Dieu, le reste n’a pas grande importance, quand on est deux pour se défendre.

Seulement, était-on deux ? Roger la défendrait-il ? Et même, avant de se demander si elle accepterait Roger, Roger l’accepterait-il sincèrement et d’un cœur généreux, lorsqu’il la verrait enfin comme elle était ? Car, jusqu’ici, il ne voyait que sa bouche et ses yeux. Quant à ce qu’elle pensait et voulait, — la vraie Annette, — on eût dit qu’il ne tenait pas beaucoup à la connaître ; il trouvait plus commode de l’inventer. Annette cependant se berçait de l’espoir que, l’amour aidant, il ne serait pas impossible, après s’être regardés bravement jusqu’au cœur, de se dire :

— Je te prends. Je te prends comme tu es. Je te prends avec tes défauts, tes démons, avec tes exigences, avec ta loi de vie. Tu es ce que tu es. Comme tu es, je t’aime.

Elle se savait capable, pour son compte, de cet acte d’amour. Pendant les derniers jours.