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236 L’AME ENCHANTEE

ce pas ? Vous m’aimez ? C’est l’essentiel ! Ne vous inquiétez pas du reste. Le reste me regarde. Vous verrez, j’arrangerai — moi et les miens qui seront vôtres — nous arrangerons si bien votre vie que vous n’aurez rien à faire qu’à vous laisser porter.

Annette regardait à terre, et dessinait sur le sol des lettres avec le bout de son pied. Elle souriait :

( — Il ne comprenait pas du tout, ce cher garçon…)

Elle releva les yeux vers Roger, qui, bien tranquille, attendait sa réponse. Elle dit :

— Roger, regardez-moi. N’ai-je pas de bonnes jambes ?

— Bonnes et belles, dit-il.

— Ça ! fit-elle, le menaçant du doigt, ça n’est pas la question… Ne suis-je pas une solide marcheuse ?

— Certes, dit-il, je vous aime d’être ainsi.

— Eh bien, est-ce que vous croyez que je vais me laisser porter ?… Vous êtes très bon, très bon, je vous remercie ; mais laissez-moi marcher ! Je ne suis pas de celles qui craignent les fatigues de la route. Me les enlever, c’est m’enlever l’appétit d’exister. J’ai un peu l’impression que vous et les vôtres, vous avez tendance à me décharger de la peine d’agir et de choisir, à tout installer d’avance dans