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88 L’AME ENCHANTEE

Dès sa première visite, à certains petits détails d’ingénieuse tendresse, et au trouble maladroit d’Annette en la lui montrant, elle avait deviné que ce devait être pour elle.

Maintenant qu’elle s’était reconnue vaincue, — pour son avantage — elle n’opposait plus la moindre résistance. Encore languissante de sa crise d’entérite, la petite convalescente s’abandonnait avec bonheur aux gâteries dont l’entourait sa sœur. Le médecin, appelé, l’avait trouvée anémiée, et il avait conseillé un changement d’air, un séjour d’altitude. Mais ni l’une ni l’autre n’était pressée de quitter le nid commun ; et elles surent, enjôleuses, se faire dire par le médecin qu’après tout, à Boulogne, on était aussi bien, et que même, en un sens, c’était peut-être mieux que Sylvie commençât par se reconstituer dans un repos complet, avant d’aller demander à l’air vif des montagnes un bon petit coup de fouet.

Sylvie put donc s’en donner, de paresser au lit. Il y avait si longtemps que ce ne lui était arrivé ! C’était délicieux de dormir, tout son soûl, de dormir pour tous les sommeils rentrés, et — le plus délicieux — de rester sans dormir, les membres étirés dans de beaux draps bien doux, le corps qui n’en peut plus de torpeur et de bonheur, et de chercher du pied les coins frais dans le lit. Et de rêver, et de rêver !… Oh !