Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/120

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passer, maintenant. Tant qu’ils lui étaient arrivés régulièrement, au jour dit, il feignait de les recevoir, avec indifférence, comme son dû. Quand ils commencèrent à s’espacer, il reconnut leur manque ; l’impatience s’alluma ; avec elle, le désir. Lorsqu’ils entraient enfin, avec la lettre attendue, il en jouissait brutalement… Bien entendu, il refusait de le reconnaître !… (Tricheur !…) Il aimait mieux en attribuer le plaisir à l’orgueil, qui se disait, insolent :

— Une fois de plus, je l’ai « eue » !…

Mais lorsqu’elle n’écrivit plus, il lui fallut bien s’avouer l’humiliante vérité : « Il avait besoin d’elle… » S’avouer ? Non ! Non !… « Je ne sais rien, je n’ai rien à avouer… »

La nuit, il rêvait d’elle. Des rêves où elle revenait sans cesse, jamais tendre, jamais aimante, mais hautaine, dure, sarcastique, le blessant, l’humiliant,… Il se réveillait, la détestant, brûlant avec fureur… de quoi ?… De lui dire des choses cruelles, de la tenir sous ses mains, de la faire souffrir, de se venger… Mais le contact de ses mains le faisait tressauter. Il chassait l’image… L’image revenait… Cette belle bouche méprisante… Il cherchait à l’outrager dans son souvenir. Il pensait à la vie libre qu’elle avait pu mener, et qu’elle lui défendait… Il voyait aussi en rêve d’autres femmes qui ne lui ressemblaient aucunement, ni de traits, ni de façons, ni d’âge, — et que pourtant il identifiait à