Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/125

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d’abord, leurs esprits se sont tâtés. Gauchement, un peu rudes. Ils ont peur l’un de l’autre ; mais ils ne savent pas que l’autre a peur. — Non point la peur physique. Le premier contact l’a presque dissipée, chez Marc. Elle reparaît par bouffées, quand ils marchent en silence, côte à côte. Marc touche dans sa poche son couteau, — arme inoffensive qu’il ne saurait pas manier. Ils se hâtent de parler. La parole les rassure.

En plein jour, ils auraient été lents à s’approcher. Mais la nuit dans ces rues en deuil, où les lumières sont voilées, comme pour un catafalque, les différences s’effacent, ils sont du même troupeau. Les mêmes désirs les poussent. Les mêmes dangers les menacent. Fatigués de marcher, ou plutôt, parce qu’ils veulent, avant d’aller plus loin, s’étudier, ils s’asseyent sur un banc d’une place obscure.

Il se nomme Casimir. Il roule une cigarette, et il l’offre à Marc. Marc qui n’aime point à fumer, et qui est dégoûté, prend et fume… O honte ! il n’a rien dans ses poches, ni tabac, ni argent : comment fera-t-il tout à l’heure ?… Cette préoccupation l’empêche d’écouter. Mais il entend quand même ; et sa curiosité le reprend. Confiance pour confiance ! Ils se racontent l’un à l’autre…

Ouvrier électricien. Il travaille dans une usine