Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/236

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celle-ci, mais cette ivresse de la foi guerrière ! Quel est son but ? À quoi, à qui elle nous sacrifie ? Quand dégrisés nous commençâmes à nous le demander, le sacrifice était déjà consommé. Le corps entier était happé dans l’engrenage. Il ne restait que l’âme. L’âme éreintée. De l’âme sans le corps, de l’âme contre le corps, que peut-on faire ? Se martyriser ? C’est assez des autres bourreaux ! Il n’y a plus qu’à voir, à savoir, et à accepter. On a fait le saut. On a fait le sot. Une, deux… Allons ! Jusqu’au bout ! La vie ne délivre pas de billets d’aller et retour. Une fois parti, on ne revient plus… Et quand je l’aurais pu, je ne reviens pas seul ! On est ensemble. On meurt ensemble… Je sais que c’est absurde, que cette mort, c’est pour rien. Mais se sauver seul, non ! cela ne se fait pas ! Je suis du troupeau. Je suis le troupeau.

— Et le troupeau vous suit.

— Moutons de Panurge.

— Quand donc l’un de vous refusera-t-il de sauter ?

— Il ne viendra pas de nos prés.

— Qui sait ?

— Sera-ce du vôtre, Annette ? Votre petit mouton ?

— Mon fils !… Ah ! Dieu !… ne m’y faites pas songer !