Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/242

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— Il est prisonnier.

— En Allemagne ?

— En France.

— Il est « ennemi ? »

— Vous l’avez dit. Mon frère, mon ami, et mon meilleur, ils me l’ont pris, et ils m’ont dit : — « Oublie, et tue ! C’est l’ennemi. »

— Et vous vous êtes battu ?

— Jamais contre lui. Quand je faisais face à la frontière, je savais qu’il n’était point de l’autre côté. Avant de partir je l’ai embrassé, en France. Il y est resté.

— On l’a arrêté ?

— Il est dans l’Ouest, enfermé dans un camp de prisonniers. Et depuis trois ans — si près, si loin ! — je n’ai rien de lui, je ne sais rien de lui. Vit-il encore ? Et moi, je meurs…

— Quoi ! Ne peut-on avoir de nouvelles ?

— Ce n’est pas ici que j’en puis demander.

— Les vôtres vous aiment. Que pourraient-ils vous refuser ?

— Non, je ne puis pas leur en parler.

— Je ne comprends pas.

— Vous comprendrez… Pour le moment, je vous ai trouvée. J’ai la douceur de vous en parler. Parler de lui avec un autre qui puisse l’aimer, c’est déjà presque lui parler. Vous l’aimerez ?