Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/260

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Annette s’engageait imprudemment. Cette femme, qui avait besoin d’agir, qui ne se satisfaisait point de la pensée pure, de l’intention, et qui, depuis le début de la guerre, n’avait pas trouvé la voie de son action, — la découvrait soudain ici, dans le don absolu de soi à la cause des affections sacrées, de l’amour le plus désintéressé : une amitié entre deux jeunes hommes étrangers. Le bouillonnement de forces qui était en elle, elle les mit à leur service, avec sa passion propre, dont il ne faut pas dissimuler le caractère un peu fou. Elle-même le reconnaissait, sa raison lui disait :

— Tu le paieras !

— Je paierai plus tard. Pour le moment, j’achète…

— Plus que tu n’as.

— On verra !…

Folie ! Mais quoi ! Il lui fallait se donner ; et elle ne demandait rien, elle n’attendait pas de retour. C’était assez pour son bonheur de donner