Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/28

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et sanguin, il cuit à l’étouffée. Car il est né campagnard et gaillard ; il suffoque dans la ville, et il crève son cuir. Il aime bien manger, il a le rire gaulois ; et la moindre contrariété fait foncer le vieux ragot, piétinant, boutoir baissé, dans des transports de rage, aussi brefs que violents ; ils sont coupés, soudain : il pense à sa fonction et à la confession ; au milieu d’un grognement, il se réprime et prend des manières onctueuses.

Des deux fils, le cadet, vingt-deux ans, vient d’entrer aux Chartes. Il s’est fait la petite barbe en pointe, le sourire mince et aigu, les yeux battus, le regard équivoque, de la fin du siècle XVI. C’est un très bon garçon, qui voudrait avoir l’air pervers d’un mignon de la troupe de M. d’Épernon. — L’autre fils, vingt-huit ans, la face pleine et rasée, la chevelure artistement rejetée en arrière et drapée par larges masses, des mèches comme des vagues, la tête à la Berryer, commence à s’illustrer comme avocat, dans les procès des « Camelots ». Quand le Roi sera de retour, il sera garde des sceaux.

Les trois femmes, mère et filles, évoluent au second plan. (Annette les connaîtra, plus tard.) Effacées, lisant peu, sortant peu, n’allant jamais au théâtre, mais souvent à l’église, elles occupent leur temps à des œuvres pieuses.

Les trois hommes ont reçu une solide et stricte