Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/298

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venu en curieux, mais il avait subi la contagion de la foule ; il avait acclamé Séverine, et conspué Jouhaux. Il avait vu des Russes pleurer, en écoutant l’hymne de leur Révolution ; et bien qu’il méprisât les pleurs, il n’avait point trouvé ceux-ci dénués de grandeur virile. Mais il ne savait que penser. Quelques essais d’entretien avec ces Moscovites l’avaient aussitôt choqué, dépaysé, irrité ; leur intolérance géométrique, leur vanité nationale qui, sous le bonnet rouge, pointait la longue oreille, leur ironie blessante pour la France et les Français…

— Ah ! Zut ! J’en ai assez !…

Marc, qui ne se faisait pas faute d’exercer son ironie aux dépens des siens, n’aimait pas qu’on s’en chargeât pour lui et contre lui… Et puis, cette familiarité humiliante, sans gêne !… Marc était aristocrate, d’instinct ; il n’était pas tenté par l’idéal de promiscuité avec ces troupeaux de « Judéo-Asiates » — (c’est lui qui parle, l’animal !…) Après s’être emballé, il se rejette en arrière ; il subit toutes sortes de réactions, dont les unes sont peut-être justes, les autres, sûrement mauvaises ; mais il ne les discute pas : elles sont ce qu’elles sont, et il est comme il est. Dictature de la patrie, ou du prolétariat, — il voit le choix entre deux tyrannies, entre deux insanités de la raison qui tranche. Et son cœur n’est pas assez humain,