Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/319

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connues, commençaient à faire jaser. Il était temps pour Annette de passer à Pitan toute la partie active des opérations, car ses mouvements étaient espionnés. Elle ne s’apercevait de rien que de la froideur accrue, qui n’empêchait pas, d’ailleurs, sur les visages, le sourire confit, et les politesses mielleuses dans les bouches contournées.

Mais on ne manque jamais d’amis, quand il s’agit de nous avertir du mal qu’on dit de nous. Conter une mauvaise nouvelle à quelqu’un qui l’ignore, est un plaisir charmant. C’est pour son bien ! Le devoir y trouve son compte, avec l’agrément.

De ce devoir, la Trottée se chargea gaillardement. La Trottée (veuve Trottât, ou plus exactement, Tortrat) était cette blanchisseuse, qui avait souffleté l’officier allemand, puis qui, brusquement touchée par l’énergie d’Annette, lui avait, à l’hôpital, manifesté un repentir bruyant. Elle avait une quarantaine d’années : la tête près du bonnet, bonne femme, mais aimant la bouteille. Depuis le jour mémorable, elle faisait montre d’un pacifisme agressif, à la barbe des gendarmes débonnaires ; et elle témoignait pour Annette d’une sympathie éclatante, dont celle-ci se fût bien passé. Mais elles habitaient porte à porte ; la Trottée avait sa clientèle : il fallait subir la blanchisseuse et son battoir