Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/32

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dans le monde la Démocratie et la Paix. Ils ne se disent pas que, cette paix, il serait peut-être plus sage de commencer par la garder. Mais ils ne doutent point que ceux qui la rompent ne soient ces peuples arriérés, qui se refusent à voir et accepter la vérité. Il faut donc, pour le bien du monde et leur bien propre, les y forcer.

Ces deux hommes, père et fils, — on dirait frère aîné et jeune frère — qui se ressemblent et qui s’aiment, grands et droits, maigres et fiers, vivent enveloppés d’une idéologie qui ne laisse point, de l’épaisseur d’un ongle, pénétrer le doute. Leur science est, en toute honnêteté, au service de leur foi démocratique. Ils n’en ont pas conscience. Leur conscience, c’est leur foi. Ils croient. Ils croient. Ils croiraient sur le bûcher. (Sur le bûcher, il y sera, le fils, dans la tranchée ! Et le père y sera, de cœur saignant, avec lui)… Ils croient… Et ces hommes se réclament de la libre-pensée !…

Le jeune Girerd est fiancé à Lydia Murisier : une charmante, vaillante fille, d’une riche famille de Genève, qui s’est éprise de lui, et qu’il aime religieusement. L’amour de Lydia n’est peut-être pas religieux, il est même très profane ; mais afin de lui ressembler, il s’efforce de l’être, de même que ses riants yeux bleus tâchent à se faire sérieux. Profane elle le serait, Lydia, du