Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 4.djvu/163

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sa première faim fut un peu apaisée, elle put les reprendre dans l’ordre, et elle les savoura. Elle était rouge d’amour et de confusion… Comme elle lui avait fait tort !…

Ce n’était pas qu’il fût plein d’effusions. Il répugnait à la sentimentalité — (d’autant plus qu’il en était, craignait-il, infecté) ; — et dans ses lettres, il se raidissait contre les mots tendres qui étaient près de sortir de sa bouche. Mais pour une mère qui connaissait les moindres plis de cette bouche, la contrainte imposée n’était que plus émouvante. Il évitait même d’employer le mot : « Chère », en lui écrivant. Sa première lettre disait :

— « Ma mère, — tu ne m’aimes pas…

(Le cœur d’Annette se crispa).

« …Je ne m’aime pas non plus. Je n’ai rien fait pour qu’on m’aime. C’est donc juste. Mais je suis pourtant ton fils ! Et je me sens plus proche de toi que de tout autre. Je n’ai pas pu te le dire. Laisse-moi te l’écrire ! J’ai besoin d’un ami. Je n’en ai pas. J’ai besoin de croire que tu l’es, même si tu ne l’es point. Ne me réponds pas ! Je ne veux pas que tu me dises que tu l’es, par bonté, par pitié. Je déteste la bonté. Je ne veux pas qu’on