Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 4.djvu/258

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Sylvie les regarde rêver. Elle ne songe au passé, non plus qu’à l’avenir. L’instant est doux, et la jouissance est pleine. Ils ont achevé tous trois la dangereuse traversée, les rames sont lâchées, aux flancs de la barque, qui dort sur la mer apaisée. Elle rêve. La belle soirée !…

Mais la maison en deuil se tait ; et son silence tragique contraste avec la kermesse de la rue en goguette.

Au second, le professeur Girerd, l’homme raidi dans son deuil, l’homme de pierre, pavoise ses fenêtres. Et maintenant, le but implacable est atteint ; et le désert de sa vie n’a plus de but : il peut crouler. — Au troisième, les Bernardin ont fermé leurs volets ; les filles et le père sont à l’église, dans l’ombre d’une chapelle. Mais la mère reste au lit, et s’éteint lentement. La maladie est venue, appelée par la peine ; et Bernardin, qui prie, ignore que dans sa chair blême, qui ne se défend plus, il nourrit le cancer. — Et au rez-de-chaussée, le débit de vin est plein. Mais au comptoir, on ne voit pas Numa. Le patron s’est enfermé dans l’arrière-boutique. Il est seul, et il boit, et il pleure dans son vin.

Annette entend monter, en une même harmo-