Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 4.djvu/28

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— Je comprends tous les fous, dit Annette. Je suis de la famille.

Étendu sur le balcon et la tête en arrière, fixant le ciel bleu-dur, Germain disait à Annette :

— Que deviendra-t-il sans moi ? Il m’aime trop. Il est une femme… Non comme vous, que la rude leçon de la vie a virilisée. Un être livré au flux incertain d’un cœur mal contrôlé. Où ce cœur visionnaire, ce faible et violent, ne peut-il l’entraîner ? Je ne vous dirai pas de quels dangers je l’ai sauvé. Il ne s’en est pas douté, car il est incapable de les voir et de les juger. Il est immoral et pur. Nos valeurs d’ordre éthique n’ont pas le même sens pour lui que pour nous. J’étais souvent dérouté. Je devais être sévère ; mais quand je voyais ses yeux honnêtes s’étonner, s’attrister, je finissais par me demander si ce n’était pas moi qui me trompais. Est-ce une aberration de la Nature ? Ou bien la Nature vraie, qui ne connaît pas nos dogmes étriqués ?… Mais comme en fin de compte, ce sont ces dogmes qui régissent le monde, que notre raison a fabriqué, et puisque nous sommes forcés d’y vivre, il faut bien lui apprendre à s’y soumettre, sinon à les admettre.