Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 4.djvu/91

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ger. Les deux sœurs avaient, chaque soir, de longues causeries. Mais Marc, qui travaillait dans la pièce voisine, la porte ouverte, les épiait ; et son œil de jeune poulet qui voyait de côté ne trouvait dans ces propos aucun grain à becquer : les sujets intimes avaient été, une fois, traités ; on ne s’entretenait plus que de l’ordinaire, des histoires du jour, des niaiseries de femmes, couture, prix des denrées… Il allait, impatienté, fermer sa porte. Comment pouvaient-elles, des heures, ressasser ces riens ? Sylvie, passe encore ! Mais elle, cette femme — sa mère — elle qui venait de jouer sa vie et qui peut-être la rejouerait demain, elle dont il subodorait, sans pouvoir les saisir, les secrets qui brûlaient, — elle se passionnait aussi bien pour ces riens — le prix du pain, les restrictions sur le beurre et le sucre — que pour ce monde caché (qu’elle ne lui cachait qu’à moitié !…) Car sa jalousie voyait la lueur au cœur de la lampe. Et peut-être qu’Annette elle-même ne la voyait pas. Mais, se taisant ou parlant, elle en était éclairée silencieusement…

« Tacet sed loquitur… »

La lampe brûlait, sans bruit ; dans le plein du jour, on ne la remarquait point. Mais le tier-