Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 4.djvu/93

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Dans la chambre d’Annette, Ursule Bernardin, le souffle coupé, se tenait immobile et raidie.

— Nous avons été trop vite ? Pardon, j’oublie toujours.. Quand je monte, je cours, j’avale les escaliers… Asseyez-vous !… Non, ici, dans ce coin, contre le jour, vous serez mieux. Reprenez votre haleine ! Ne vous pressez point de parler… Comme vous respirez !

Elle regardait en souriant, et tâchait de rassurer la jeune fille, gauchement assise, figée de gêne et gonflée d’émotion, dont le sein soulevait lourdement l’étoffe serrée. Pour la première fois, Annette pouvait étudier ce visage et ce corps, rustiques, étriqués par la claustration bourgeoise. Les traits étaient sans finesse, et les formes tassées ; mais dans la vie de campagne, dans l’activité normale d’une ferme, on la voyait, entourée d’animaux domestiques et d’enfants, heureuse et occupée : cette brave figure, jeune et saine, riante et affairée, sous le hâle du soleil et la chaude buée du front et des joues baignés par une journée d’été, aurait son agrément… Mais le rire et le soleil avaient été mis sous clef. Le sang avait reflué. Il restait ce nez camard, ces grosses lèvres, la forme lourde,