Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/106

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mal ou bon, il faut toujours passer par là. Que jeunesse sache ! et à ses risques ! Tant pis pour ce qu’elle y laissera de ses houseaux ! L’animal est bon. Il en sortira… Et l’essentiel, c’est qu’il y passe. N’est pas homme, qui n’y ait passé… » — Elle ne s’en tourmente pas. C’est l’affaire de Marc. Un mauvais service à lui rendre, que de vouloir la faire pour lui… Elle a la sienne, les siennes, et ses affaires et ses plaisirs. Pas de temps à perdre ! Elle brûle son été de la St Martin.

Marc reste donc seul pour tenir tête à tout ce qui l’assaille : les jolies filles, les hurluberlus, les aigrefins, toute la salade qui se tasse dans le compotier. Et lui-même est un fruit vert, qui tente plus d’une bouche au vermillon. Et il est le neveu, le grand favori de la sultane, on se sert de lui pour se servir d’elle. Il n’est pas assez sot, pour l’ignorer. Il est soupçonneux, le petit gars ! Il serait plutôt porté à croire qu’on veut le manœuvrer, que même les femmes qui le poursuivent effrontément lui jouent un jeu intéressé : — ce qui n’est point ; le jeune sauvage les aguiche. Ses gaucheries même, ses brusqueries et ses rudesses, qu’éclaire soudain un sourire confus et charmant, — et, sous le sourcil contracté un regard tenté, timide, interrogateur, qui tout à coup se livre, comme une petite vierge, — une vierge folle qu’on a grisée, et qui commence à divaguer… Ce petit Lucien de Rubempré… Mais il y a toujours au fond le Marc, le Marcassin, qui se reprend dès qu’on le prend, d’un coup de boutoir, d’un dur éclair… Il n’en est que plus attirant. On s’y meurtrit. Double plaisir ! La chasse est ouverte. Et le gibier n’a pas seulement à veiller aux toiles, mais aux coups de vent qui passent en lui, à l’improviste, et qui le font s’y jeter, tête en avant. Il a grand peine à y résister. À chaque fois, il en sort plus ébranlé. Et il prévoit ce qui va venir. Il devrait fuir… Dix fois, il s’est dit : — « Va-t’en ! »… Il ne fuit pas… C’est tout de même trop intéressant ! Il y a trop à voir et à happer, pour son œil de tiercelet,