Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/108

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révoltés, ont des sursauts de mépris furieux contre certains spectacles. Marc se permet des insolences de langage, qui suffoquent le parfumeur-roi dans sa coquille, et qui font rire sous cape, en lui tirant le bout de l’oreille, le petit-Caporal, Sylvie, son bonnet de police sur le côté :

— « Malotru ! veux-tu bien apprendre à te tenir dans le monde ! »

Et il regimbe. Il lui rétorque de dures vérités. Ce qui l’indigne particulièrement, c’est le gaspillage effréné pour ses fêtes. Il le lui dit, que c’est honteux, quand des milliers n’ont pas à manger. Sylvie ne s’en émeut guère. Elle n’a pas eu à manger, avant-hier, Elle rattrape aujourd’hui les bouchées. Elle répond, cynique :

— « Le trop compense le trop peu. Le trop des uns, le trop peu des autres. Ça fait balance… Et puis, mon petit, qu’est-ce que tu veux ? Ce qui vient de la flûte s’en retourne au tambour. Il faut gâcher… »

Marc lui en dit de toutes les couleurs, et aussi bien sur sa façon de gagner que sur sa façon de dépenser, sur ces commerces de luxe, de dessous et d’onguents, ce vestibule à accouplements, et sur cette exploitation de la clientèle, à des prix de vente (à des prix de vol) aussi déréglés que les caprices de ces insectes en folie — les imbéciles d’acheteurs ! Sylvie réplique que si l’on devait vivre de la sagesse des hommes, et non de leur idiotie, on pourrait se serrer le ventre, et qu’au bout du compte, elle et son Coquille font vivre, non pas seulement eux et son neveu — ( « Mouché, morveux ! » ) — mais des armées d’employés. Marc, vexé, dit stupidement :

— « Et à quoi ça sert ? »

— « Quoi ? »

— « Tout ce que tu fiches ? Tout ce qu’ils font ? »

— « À rien. À vivre. Est-ce que la vie sert à quelque chose ? On sort du ventre, on naît, on ne sait pourquoi. On remplit son ventre, on mange, on aime, et on