Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/156

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la peau, une seconde fois, pour le Droit des autres ? Qu’on « remette » ça ? Assez pour moi ! Je ne suis plus assez c… pour m’occuper des autres. Je m’occupe de moi. Chacun pour soi ! »

Et Marc et Masson, qui flétrissaient amèrement l’égoïsme de leurs classes, n’avaient pas l’esprit de décision de renoncer eux-mêmes à leur libertarisme congénital, qui était une autre forme de l’égoïsme et qui réduisait à néant leur révolte. C’est pour un Français un dur effort, quand il s’est libéré des préjugés de masse, de rentrer dans des cadres définis et d’accepter la discipline d’un parti. La faiblesse du socialisme français d’avant-guerre a été l’effet de ses liens trop lâches qui rapprochaient conditionnellement ses membres, sans les tenir aux moments décisifs. Et si Masson avait rapporté de la guerre une leçon, c’était la volonté de ne plus se donner, en aucun temps, en aucun lieu, à aucun maître, à l’impératif d’aucun parti, et de s’appartenir, soi à soi seul… Dès lors, comment compter sur les autres ? Penser que les autres, même de sa classe, même opprimés comme lui, pourraient agir d’accord, en restant soi à soi seuls, sans se renoncer au service consenti d’un commandement, d’une dictature de parti, était le plus chimérique des espoirs. Les plus violentes poussées collectives sont passagères ; leur violence même les épuise ; si un poing ferme ne les retient, elles se relâchent, bien avant d’avoir atteint le but, et elles replongent au plus profond : la pierre lancée retombe au-dessous même du niveau d’où elle est partie. Mais il y avait trop longtemps que la France révolutionnaire avait perdu la pratique de l’action. Et la guerre avait achevé de la dégoûter des règles du combat. Tout ce qui rappelait aux esprits libres le régiment était par eux haï et rejeté. Les conservateurs et les chauvins étaient les seuls à en accepter la leçon et à la mettre à profit. La partie était belle pour la Réac-