Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/234

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dattes de San-Francisco. Expéditeur inconnu. Elles étaient si belles qu’elle en eût fait son déjeuner. Mais une méfiance… Elle porta les fruits au laboratoire d’analyses d’une bactériologue, une Polonaise, qui donnait des articles au journal de Timon. L’analyse avait décelé une instillation de daturine. Annette avait jeté la boîte, sans en parler à Timon. Il lui était venu aussi une boîte de caviar de Turquie, qu’elle ne s’était pas donné la peine de vérifier. Puis, les envois avaient cessé. La piste était éventée. Annette guettait de quel autre coin pourrait surgir le danger. Timon aussi guettait, sans le lui dire. Aucun des deux ne jugeait utile d’inquiéter l’autre. Mais leurs sens étaient éveillés, et le danger mutuel, la charge secrète qu’ils s’attribuaient de préserver le compagnon, les rapprochaient.

Dans une course qu’ils firent ensemble, en auto, un soir, au sortir de l’hôtellerie des Vosges où ils avaient soupé, le chauffeur de Timon, un homme de confiance, qui lui était attaché depuis des années, fut pris d’un malaise brusque et violent. Inutile d’en approfondir les causes ; il n’y avait qu’à le laisser aux mains du médecin. Et comme Timon devait à tout prix rentrer à Paris, il se trouva, à point nommé, un autre chauffeur pour le remplacer. Mais Timon, méfiant, après l’avoir toisé, le refusa ; et il se livra à un examen minutieux de sa machine : il constata qu’une vis essentielle avait sauté. Il se procura, à des prix qui défiaient toute velléité de refus, la seule auto du village ; et il repartit avec Annette par une autre route que celle prévue. Ils échangèrent, en chemin, leurs expériences des derniers mois. Depuis ce temps, Timon ne s’en reposait que sur Annette pour le contrôle, dans ses expéditions secrètes. Il lui avait appris q maniement de l’auto et même un peu de l’avion, pour le suppléer, en cas de besoin.

Aux menaces qu’il voyait s’amasser sur lui, sa fu-