Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/290

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sans réagir, les bras pendants, les deux mains posées à plat. Il fronça le sourcil, se mordit les lèvres, et se résolut. Il lui enleva son bonnet, il lui dégrafa son manteau, il lui défit ses chaussures, et l’étendit sur son lit. Le corps avait maintenant une réaction nerveuse, il frissonnait sous une vague de froid. Marc murmura :


— « Entre dans le lit !… Laisse-moi faire, ma petite ! … »

Il la souleva, pour ouvrir sous elle les draps. Elle se laissa déshabiller, les yeux ouverts, le regard absent. Ses épaules maigres ne percevaient pas le contact des doigts maladroits qui la dépouillaient. Il couvrit le lit de tout ce qu’il trouva dans sa malle de lourd et de chaud, de ses vêtements. Et tandis qu’il lui faisait chauffer une boisson sur sa lampe à alcool, il était assis près du lit, et glissant un bras sous les draps, il lui réchauffait entre ses doigts les pieds glacés dans les bas. Ils s’absorbaient tous les deux dans la même immobilité d’épuisement. Le grésillement de la bouillotte qui débordait sur la flamme l’en arracha. Il se releva, il fit un grog, il souleva la tête de la femme, afin de lui faire absorber quelques gorgées. Le liquide d’abord lui ressortit de la bouche ; il lui coula du menton le long du cou ; la brûlure la réveilla. Elle regarda Marc enfin avec des yeux qui consentaient à le voir. Elle regarda ses yeux inquiets, le verre fumant qu’il tenait, ses gestes gauches qui tâchaient de lui introduire dans la bouche une cuiller. Elle ouvrit le bec et avala, comme un enfant. Un peu de couleurs lui revint aux joues. Elle écarta le biberon, d’un mouvement ébauché de la main. Marc, soulagé de la voir revenir à la vie, lui serra les tempes entre ses doigts, et lui dit

— « Maintenant, dors ! As-tu bien chaud ? »

Et presque aussitôt, il remarqua sous la tête la taie sale de l’oreiller et il fut accablé de confusion. Au lieu de le cacher, il dit :