Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/342

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Maintenant, le nœud de leurs corps, distendus, se déliait. Mais leurs esprits restaient noués. L’un contre l’autre, ils sentaient battre, au creux du ventre, le même sang, et se répandre dans leurs membres, sa chaleur calme, son flot d’or. Et Marc enivré de sa prise, disait, riant, et l’étreignant :

— « Je t’ai, je t’ai !… Tu es à moi… »

Et Assia, muette, pensait :

— « Je ne suis à toi. Je ne suis à moi, ni à personne. »

Mais elle le serra dans ses bras… La fine échine, les doux reins… Il lui sembla qu’elle pourrait les casser… Elle fut inondée de tendresse. Elle se baissa impétueusement, et elle les couvrit de baisers. Le jeune compagnon soupirait, promenant ses longs doigts qui tremblaient, sur l’ardente face, dont les lèvres voraces les happaient. Et dans sa reconnaissance éperdue, il parlait, parlait, ramageait comme un oiseau, il se confiait en mots naïfs et sans suite, il épanchait le fond de son cœur, il livrait candidement sa solitude, le plus secret de son être et son destin, il les remettait aux mains de cette femme inconnue, qui l’écoutait, la face enfouie dans le sillon de sa ceinture. Elle l’écoutait, attendrie, avec amertume et ironie. Il se donnait, s’imaginant qu’il la connaissait : il ne savait rien d’elle, rien de sa vie, rien des cicatrices et des marques indélébiles qu’y avait laissées le