Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/359

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m’aime et se trompe, est-ce que je serai assez forte pour lui ouvrir les yeux ?… Il eût été plus sage, peut-être, de l’éloigner. »

— « Si je vous prenais au mot ? » dit Annette.

— « Non, non !… Ne le faites pas !… Je ne pourrais plus… Il est trop tard, maintenant. »

Elle médita un moment, eut honte de sa faiblesse, et ajouta :

— « Mais je lui dirai tout. Il n’ignorera rien. »

Annette sourit mélancoliquement :

— « Non, ma fille. Je ne vous y engage pas. »

La femme couchée sursauta, et, rejetant ses couvertures, elle s’assit sur le lit, et regardant Annette :

— « Vous ! Vous m’engagez à ne point lui dire toute la vérité ! »

— « Oui, c’est étrange, n’est-ce pas ? de la part d’une mère… »

— « De la part de vous. »

— « Merci. — Oui, je crois être vraie, et l’avoir toujours été, surtout quand il m’était inopportun de l’être. C’est ce qui me donne le droit aujourd’hui de vous conseiller. Vous voulez tout dire à Marc de ce que vous avez été… »

— « De ce que je suis », dit Assia.

— « L’êtes-vous ? Ou avez-vous passé là dedans, comme dans les boues des routes, vos pieds qui sont lavés maintenant ?… Mais soit ! Je garde aussi le souvenir des boues où mes pieds ont passé. Je me tiens solidaire de celle que j’ai été. Et je n’aime pas ceux qui, lorsque ressurgit l’image gênante de celui qu’ils ont été, disent : — « Je ne connais point cet homme-là ! » — Mais que vous le connaissiez, c’est votre affaire. Vous n’êtes pas tenue de le faire connaître à d’autres. »

— « Non pas à d’autres, dit Assia. Mais à lui. »

— « Passe encore, dit Annette, avec un fin sourire d’un peu âpre ironie, passe encore si, en le lui