Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/361

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

partie de notre sang ; et nous n’évacuons de nous que l’inutile et l’impur… »

Assia dit :

— « Je ne m’attendais pas à trouver une alliée. »

— « Je n’en ai jamais trouvé, dit Annette. C’est pourquoi je compatis à celles qui n’en ont point. »

— « Soyez-le donc pour moi ! Je n’en abuserai pas. Et je vous prie de m’aider, non jamais contre Marc, mais pour lui. Puisque vous ne voulez pas que je lui raconte tout — (je sens que vous avez raison ; mais je ne réponds pas de me taire !) — c’est à vous que je remets, dans vos mains, tout ce qui me pèse. Je m’y suis déchargée aujourd’hui du plus gros ; mais il en reste encore : vous aurez tout. Vous serez libre d’en user, à l’heure que vous choisirez, contre moi, pour votre fils. Je ne vous démentirai point. »

Annette eut un éclair de malice :

— « Très bien ! Et gare à vous ! À présent, je vous tiens. »

— « Tenez-moi ! Je le veux. Je vous fais juge. C’est ma seule façon de m’acquitter envers vous de ce que j’ai reçu de vous. »

— « Quoi ? »

— « Ne faites point celle qui ne sait point ! Vous savez… Ce que vous m’avez donné, personne ne me l’a donné… Non l’amour : je l’ai eu, je l’ai, et je l’aurai… Beaucoup plus : — la confiance. Vous avez eu foi en moi. Et savez-vous le résultat ? Vous me l’avez rendue — si jamais je l’ai eue… J’ai foi maintenant, foi en moi. Merci ! Je ressuscite… »

Elle sortit du Ut, et se jetant à genoux, elle baisa fougueusement les genoux de Annette.

— « Et je m’engage, disait-elle, à refuser à Marc de m’épouser, à le forcer à rester libre, libre comme moi… »

Annette, la prenant aux aisselles, la releva, avec un sourire ironique :