Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/65

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en ce temps le rouleau sur le devant et le derrière des femelles. Libre aux autres ! Va pour la Vénus « apige » !

— « On te coupera, ma chère, tout ce que tu voudras… » Mais ce n’était point gratis ! Le moindre de ses déshabillés valait l’habillement de toute une famille. Annette l’avait aidée à parer ses créations de noms de prix (le prix s’ajoutait sur la note), empruntés aux belles de Primatice et de « Fontainebelleau ». Même, elle s’était amusée à lui en dessiner quelques libres ressouvenirs. Sylvie avait outré les compliments, elle s’efforçait de persuader à sa sœur que sa juste place était à la tête des ateliers de dessins, ou que son esprit d’ordre la désignait pour tenir sous sa surintendance les nouveaux magasins qu’elle se proposait de fonder : car la maison essaimait dans plusieurs quartiers de Paris.

Mais Annette ne tenait aucunement à se faire le satellite de l’astre de Sylvie. Si suaves que fussent les parfums de la constellation, ce caravansérail des modes et des voluptés sentait fort, pour son gré ! Elle ne chicanait pas à Sylvie ses moyens de fortune. Mais à cette fortune elle prétendait ne pas avoir part ; et il en coûtait déjà à sa fierté d’avoir dû en accepter quelques miettes : elle n’aurait de cesse qu’elle ne les eût rendues.

Ajoutons — (ce dont elle n’avait garde de parler) — que le Napoléon des flacons s’était, un soir qu’il se trouvait seul avec elle dans un couloir du magasin, permis des privautés, qu’il n’avait pu pousser bien loin, car on l’avait, d’un geste, fait battre en retraite ; mais si l’esprit dédaigneux de Annette avait rayé l’incident de sa mémoire, la chair offensée ne pardonnait pas. Chez une femme qui ne se donne jamais à moitié, la chair est fière et, plus encore que la pensée, rancunière.

Son parti était donc pris de ne rien accepter de sa sœur. Mais elle laissait son fils libre de ne pas refuser :