Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/123

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Il y avait, à droite, à gauche, de toutes parts, sortant du sol, ces taupinières d’Internationales de la pensée, les Pen-Clubs et les Congrès de l’Écritoire, les Coopérations Intellectuelles et, culminant dessus ces buttes, le « Comité permanent des Lettres et des Arts à la Société des Nations. » Il n’était pas question d’accéder à ces sommets, parmi les rangs de ces Illustres. À supposer que la place ne fût pas, comme elle était, bien gardée, elle était de tout repos : plus haut on monte, moins on agit. Les « Permanents » n’agissaient mie : ils permanaient, ils étaient trop bien assis ! Et Marc était trop longtemps resté, malgré lui, le cul sur sa chaise ; il avait besoin de se prouver son existence, en marchant. Il était rongé du prurit d’agir. C’était en bas, dans la plaine, qu’il avait le plus de chances de rencontrer des « agissants ».

Il en rencontra, en rangs compacts, qui s’agitaient, non sans fracas, dans leurs journaux et leurs banquets internationaux. Mais c’était au sujet de leurs intérêts professionnels, pour la sauvegarde de leurs droits d’auteur, leurs éditions, leurs traductions, leur propagande de librairie : ils échangeaient contre leur casse leur séné. Nous n’avons pas à les blâmer ; leur désir d’être lus et vendus est fort légitime : il faut bien vivre ! Mais notre Marc, moins indulgent, n’en voyait pas la nécessité. Il ne s’intéressait pas à l’idéalisme qui « rapporte ». Pense qui voudra au butin, quand la bataille sera livrée ! Mais en ce moment, elle s’engage. Ce sont les risques qu’il faut chercher, non des profits. — Il ne lui fallut pas longtemps pour voir que cette préoccupation exclusive bloquait l’action de ses compagnons. Elle les obligeait à tant de ménagements qu’ils acceptaient du monde tout et le reste, y compris la trique sur le dos des autres et la confiscation des libertés, pourvu que le monde les acceptât eux, — c’est à savoir leurs