Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/142

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Sur le moment, le souci l’emportait ; l’or de son miel était sombre. Une vision tragique faisait ombre. Il est difficile d’accepter, à vingt-cinq ans, le renoncement à la victoire, (au sens du monde, que l’on a beau mépriser : d’autant plus les pieds me brûlent de l’écraser !…) Mais le cœur de Marc battait plus fort. On n’était pas le fils d’Annette, sans concevoir une autre victoire, — celle de Socrate et de l’homme en croix, celle de Jean Huss et de Giordano Bruno, celle de ceux qui font la joie des autres avec leur sang — « Durch Leiden Freude » — du coup de lance la fontaine, où boivent les cerfs altérés… « Sicut cervi… » il était fier et attristé (pauvre petit homme !) que mon regard l’eût élu. C’était donc inscrit sur son front ? Quoi qu’il en fût, merci à ceux qui lui parlaient, selon la loi, la loi unique de vérité ! Car il comprenait maintenant, mieux que jamais, que cette loi était la sienne : c’était sa mission d’être vrai. Souffrir, errer, se contredire, même tomber et se souiller, mais être vrai ! On se relèvera. On se lavera. Une âme vraie ne peut pas être damnée. Le ver de la mort ne peut ronger l’incorruptible vérité. Et le cœur de Marc se gonflait, à la pensée que cette loi propre de vérité, dont sa nature était marquée, était aussi, sans qu’il l’eût su, le noyau de l’âme de ce