Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/15

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plongea dans les yeux ses yeux. Et au contact, les prunelles d’acier se détendirent ; se desserrèrent les doigts durs, et la main moite encore caressa la bouche d’Annette. Et Assia dit :

— « Merci. »

— « Je n’en veux pas », dit Annette.

— « Je ne m’occupe pas de ce que vous voulez. Je veux. Merci ! »

— « Merci de quoi ? »

— « De l’avoir fait. »

Annette la serra contre elle.

— « Il est bien fait ? »

— « Juste à ma mesure ! »

Les deux regards, rieurs, s’affrontaient. Il n’eût pas fallu les défier. Les deux commères n’avaient point peur de louer les bonnes choses du bon Dieu. Mais Annette dit, avec une gaie humilité :

— « Nous autres, les mères, nous ne les faisons jamais qu’à moitié. À toi maintenant de le parfaire ! »

— « Je viens déjà d’y travailler. »

— « Oh ! ce n’est pas l’œuvre d’une nuit. C’est de l’ouvrage difficile. Il te faudra t’y user les doigts. Es-tu patiente ? »

— « Pas pour un sou ! »

— « Aïe, aïe, aïe, aïe !… »

— « Suffit qu’il le soit ! »

— « Je n’en réponds pas. »

— « Alors, je le rends. On m’a trompée sur la marchandise. »

— « Et si je te prenais au mot ? Si je le reprenais ? »

— « Non ? Essayez ! »

Elle reculait, l’air provocant.

— « Paix, paix, la belle ! » dit Annette. « Il n’y a point de risque. Tu y es, tu y restes. C’est dans l’ordre. Tu m’as pris mon fils. On te prendra le tien. »