Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/249

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le conte de fées, le flot de paroles qu’il tenait entassées, des lettres, des lettres, maladroitement ficelées, qui s’éparpillèrent dans la chambre. Qu’est-ce que c’était ?,.. George s’accroupit par terre pour les ramasser, riant de plus belle :

— « Ah ! nom d’une pipe !… S’il s’aperçoit que j’y ai touché !… Comment faire maintenant, pour les remettre dans l’ordre où il les avait rangées ? Pas d’autre moyen que de les lire, pour voir la date de chaque lettre… Rien que l’en-tête. On ira vite. La correspondance de papa, ça doit être d’un embêtant !… Tiens, tiens, tiens ! » Les premières lignes de la première lettre n’annonçaient rien d’embêtant… Et cette ficelle avec son gauche nœud non dénoué, qui avait laissé échapper les papiers, c’était, ç’avait été un ruban…

— « Mais, dis donc, papa !… »

Elle ne se demanda pas si elle allait lire, comme on doit faire décemment, quand on a conservé un reste de pudeur de l’ancien temps. — Mais certainement qu’elle allait lire ! Ça promettait d’être très intéressant. Elle s’installa confortablement, jambes croisées sur le plancher, presque sous la table, parmi les lettres écroulées. Et elle piquait au hasard, dans le tas. Aucune crainte d’être dérangée. Elle était seule dans l’appartement… « Si on sonne, je laisse sonner… » La fenêtre ouverte. Dehors, les merles dans le jardin. Le soleil de juin coulait autour, et caressait au-dessus de sa tête les vieux cuivres du bureau. Mais elle était dans un berceau d’ombre, et à ses doigts s’enroulait la liane d’âme qui montait des lettres, avec l’odeur dans ses narines du jasmin en fleurs du jardin. Elle chantonnait. Elle était bien…

Ne se rendait-elle pas compte de son délit ?… Oh ! parfaitement ! Elle s’en rend compte et s’en amuse. Elle n’en est plus à respecter la morale d’opinion. Elle