Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/254

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père la mît sur la voie. Et ce ne fut point facile à découvrir. Le nom de Madame Rivière ne s’étalait pas dans les annuaires. Elle pouvait être disparue, ou bien mariée. Il fallut du temps pour s’informer.

George finit pourtant par retrouver la piste, — Assia d’abord et Marc, dont la jeune notoriété commençait à se répandre. Elle passa deux ou trois fois à la librairie, mais sans rencontrer Annette. Et elle ne se décidait pas à aller frapper à sa porte. Si près du seuil, elle reculait. Elle avait beau faire la fille hardie et bousculer tout : elle avait d’étranges timidités. Si elle la voyait, que lui dirait-elle ? Embarrassant, le tête à tête avec une étrangère si intime, une inconnue si connue, dont on avait impudemment fracturé les secrets !… Une Annette, telle que George se la figurait, ne pardonnerait pas, si elle savait. Et elle saurait, aux premiers mots. George sentait que devant son regard elle se trahirait. Elle en perdait, d’avance, tout son aplomb, et elle restait, la bouche ouverte, le fil coupé, elle rougissait ! Pour sortir de son embarras, comme les timides, elle se faisait brusque, elle lâchait maladroitement, comme par défi, tous les aveux qu’elle retenait. Aussitôt, le regard d’Annette se glaçait, lui refermait la porte de la confiance entr’ouverte. Et le fossé redevenait plus infranchissable qu’avant… George ne se trouva pas le courage d’essayer. Elle n’abandonnait pourtant pas son projet. Mais elle attendait on ne sait quelle occasion, qui l’aiderait ou la forcerait à oser. L’occasion devait venir. Elle viendrait !

Elle ne vient pas, pour la plupart de ceux qui attendent : car ils attendent passivement. Mais l’attente de George était, comme elle, toujours active et prête à agir. Elle ne dormait pas, elle guettait. — En somme, quand on manque l’occasion, c’est