Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/265

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missement de la mer Tyrrhénienne. Les heures coulaient sous le dais merveilleux du ciel nocturne italien, où les astres suspendus roulaient, comme les grains d’or d’une treille, que les doigts auraient pu cueillir. Les deux compagnons de hasard échangeaient des compliments affectueux sur leur mutuelle vaillance ; ils n’avaient pas le mauvais goût de s’en étonner. Mais Annette faisait hommage de la sienne à la confiance que l’autre lui avait inspirée ; et elle lui demandait l’explication de ce grand calme qu’il dégageait, et dont le bienfait est si rare, dans la vie : d’où l’avait-il puisé ? Était-ce de ce ciel, qui lui était apparenté ? Il répondit, fixant le foyer, dont la flamme et les ombres mouvantes faisaient passer un frisson tragique sur son sourire :

— « Je l’ai puisé dans cette terre, qui a englouti tout ce que j’aimais. »

Annette se pencha vers lui, sans parler. Sans la regarder, il continua :

— « Amie, cette terre dure et desséchée, sur laquelle vous êtes étendue, vous paraît morte, comme d’une planète refroidie. Vous ne sentez pas le feu de la forge. Prêtez l’oreille ! Vous entendrez le marteau des cyclopes. Vous n’entendez pas ? Moi, je ne cesse jamais, ni nuit, ni jour, de scander l’iambe d’airain… Et j’entends s’écrouler Messine… »

— « Vous y étiez ? » demanda Annette.

— « Et tous les miens. Ma mère, ma femme, mon frère, mes quatre enfants… Ils y sont encore. Ils sont dessous. »

Annette, saisie, lui prit la main. Il la serra, et la gardant, dans la nuit calme, calme il lui conta sa vie.

Nous la conterons, à sa suite. Mais nous le ferons moins sobrement. Beaucoup des traits de sa figure ne