Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/332

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— « Allez donc l’apprendre », dit le sage. « Quand vous l’aurez appris, vous reviendrez. »

Car, ajoutait la sagesse du Thibet, « incapacité est non vertu, mais impuissance… »

— « Ah ! sapristi ! » s’écria Marc, « ce n’est point de cela que l’on pourra m’accuser ! »

Et cette impudente Assia, qui avait attrapé au vol, en passant, et la sentence et la réplique, attesta :

— « Non, pour cela, rien à lui reprocher !… »

Les deux hommes avaient ri. Mais de nouveau seuls ensemble, Marc dit à Bruno :

— « Ce n’est pas tant que j’aie à compter avec le mensonge : ce serait le moindre des animaux qui aurait place parmi ma faune ; et je suppose que vous ne tenez pas essentiellement à ce que je l’engraisse ! J’aimerais mieux encore faire l’élevage des six autres péchés capitaux. Mais tous ces autres, et la racaille de ceux qui ne sont point dits capitaux — ce sont les pires ! — cette vermine… »

— « Je n’irai point », dit Bruno, en caressant sa barbe soyeuse, « jusqu’à reprendre le dicton des commères de votre pays (celles du mien disent de même) : « les poux sont gage de bonne santé ». Mais, en ce qui concerne la vie profonde, la vraie sagesse est, peut-être, comme l’enseignent mes solitaires, non de détruire (ne rien détruire !) mais de transmuter la substance des énergies. Et celles du mal sont une fortune, comme celles du bien. Qui les a reçues dans son berceau est un mortel béni des Dieux. »

— « Je le suis donc », dit Marc. « Et maudits soient-ils ! Je me serais passé de leurs cadeaux. »

— « Les jeunes gens sont des ingrats », dit Bruno. Mais la parole paradoxale suivait sa route, et elle trouvait, en l’intelligence de Marc, un bon terrain pour être comprise et fructifier. Il savait bien de quelle