Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/376

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si nous l’avons gagné. Le manger est bon et utile à la communauté. »

— a Je n’ai pas grand’faim », dit Marc, « Mais si tu l’as, régale-toi, ma petite ! Et peut-être qu’en te regardant manger, la faim me viendra. Fais ton menu ! Tout m’est égal, pourvu qu’on mange dans la même assiette. »

Assia ne se le fit pas redire. Elle décréta qu’ils quitteraient Paris, pour trois mois. Depuis sept ou huit ans, elle y mourait desséchée entre les pavés ; elle voulait de l’eau, de l’eau qui coule des neiges et des rochers, de l’eau pucelle, que n’a point encore souillée l’humanité !

— « Et tu veux lui apporter », dit Marc, « nos fièvres et nos impuretés ? »

— « Non ! Je m’agenouillerai devant », dit Assia ; « je lui demanderai pardon, en y trempant mon doigt, pour faire le signe de croix sur ma bouche et sur mon front. »

Elle choisit les Alpes. La vie d’hôtel ? — « Non. Une petite maison, que nous louerons, les trois, pour la saison. »

— « Les trois ? Nous et l’enfant ? »

— « L’enfant, ce n’est pas un, c’est le sou du franc. Les trois, c’est toi, c’est moi, et notre Annette. »

Marc fut reconnaissant que Assia songeât à emmener sa mère. Du coup, il ne fit plus au voyage aucune objection. Assia le remarqua et dit à Annette, qui se faisait prier, qu’elle était indispensable : Marc ne pouvait se passer d’elle, il était plus amoureux de sa mère que de sa femme.

— « Tu es jalouse ? » dit Annette.

— « Non. Parce qu’il n’y a pas moyen de lutter. Ce bel oiseau, vous l’avez eu tout entier ! Je n’en aurai jamais, quoi que je fasse, qu’un morceau… »