Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/38

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Assia n’était pas si loin d’Annette ! Moins que de Marc. Toutes les femmes ont entre elles — les blanches, les noires, les jaunes, les vertes, — des signes de ralliement. Si elles ont l’air de ne pas les voir, c’est que, la moitié du temps, elles sont rivales, elles se volent l’homme (fût-ce sans l’aimer : c’est un instinct auquel résistent les meilleures, mais que les meilleures n’ignorent pas.) Assia, dès le premier jour, avait senti, beaucoup mieux que Marc, la prise de possession d’Annette sur Marc. Et naturellement, sa première tâche était de le lui enlever. Elles avaient beau se sentir alliées et même, sincèrement, s’aimer, l’instinct de chacune disait :

— « Cet homme est à moi. »

La seule différence était que Annette écartait, mollement, cet instinct, quand elle en prenait conscience ; au lieu que Assia n’y introduisait sa conscience que pour y ajouter un surcroît d’égoïsme impérieux, qui n’admettait point le partage. Et c’est pourquoi, dans la crise d’amour qu’elle traversait avec Marc, la clairvoyance d’Annette fut d’un médiocre secours… Dans quelle mesure, d’ailleurs, ne s’y mêlait-il pas, à son insu, quand elle dévoilait si crûment à son fils les menaces du cœur féminin, un grain de trahison ?