Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/393

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et le soc, « rame dangereuse » et le labour de la révolte. Il faut retourner, jusqu’au fond, le morne champ de la stérile honnêteté, et y couler le jet de semence, le grain brûlant, qui donne la vie, en mourant ! — Mais on ne le peut, qu’en étant soi-même, non seulement le soc, mais le grain… Donner son corps. Donner sa mort…

Marc n’était que trop sûr de la donner : c’était, chez lui, une certitude inavouée, où confluaient le désir et la crainte : — (l’esprit accepte, la jeune chair renâcle…) — Annette pressentait en son fils ces pensées ; mais elle essayait de les écarter ; elle voulait se persuader que ce sacrifice lui serait épargné, comme il l’avait été à elle, au cours d’une vie de risques et de combats. Elle commettait l’erreur ordinaire, en évaluant l’avenir d’après le passé ; elle ne voyait pas que l’ère où était entrée la vie de Marc était celle des grands bouleversements de la terre, au seuil desquels sa vie à elle était restée… Est-il bien sûr qu’elle ne le vît pas ?… Elle détournait son regard de ce côté… Plus tard ! Plus tard !… On aura le temps d’y aviser. Ne troublons pas ces jours heureux ! Un ruisseau de paix coule dans l’air…