Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/415

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’itinéraire, lui recommandait des adresses d’hôtels. Et il s’affligeait de ne pouvoir l’accompagner. Il était dolent que l’entrée de la terre natale lui fût interdite.

L’attraction de cette terre l’entraîna avec Marc et Assia dans des promenades, à la frontière. Une fois, au delà de Gandria, il la passa, engageant ses compagnons à faire de même. Ils n’avaient pas leurs visas de passeports ; mais Buonamico se vantait de connaître des sentiers, où ils ne rencontreraient personne. Assia se refusa à ce jeu d’écoliers qui, dans la compagnie d’un fuoruscito (de quelle couleur ?) risquerait plus cher qu’il ne valait. Marc s’obstina, par défi : que pouvait-il craindre ? Buonamico risquait bien davantage ; il le disait du moins, mais se faisait fort de mener Marc à une petite crique à l’abri des rochers, où ils trouveraient une barque qui les ramènerait sans être vus, longeant la côte qui surplombe, à Gandria. Il prétendait montrer à Marc comment l’émigration italienne avait des chemins secrets pour passer et faire passer sa propagande. Et tout se fit comme il avait dit. Marc et Assia (car celle-ci, que Marc dédaigneusement invitait à ne pas le suivre, l’avait suivi, bien entendu !) trouvèrent la barque au lieu indiqué, dissimulée sous un ruissellement d’arbres chevelus ; et ils revinrent, sans incident, à Lugano. Mais Assia n’en prit pas plus de confiance en Buonamico : car elle pensa que, pour avoir risqué ce pion sur l’échiquier, il fallait qu’il fût bien sûr de le gagner. Elle garda pour elle ces réflexions ; et elle garda aussi celles du lendemain, quand elle sut se faire avouer par Annette qu’en son absence Buonamico, très ému, leur avait remis confidentiellement une lettre pour sa pauvre mère ; et comme la maison de celle-ci était surveillée, il avait eu la précaution, pour ne pas exposer les messagers, de mettre la lettre