Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/434

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sur la main de sa mère. Elle tressaillit, et précipitamment elle s’excusa, comme une enfant prise en faute. Elle dit :

— « Ne me gronde pas ! Par de telles nuits, c’est un péché de dormir, quand on n’a plus que si peu à vivre !… »

Il ne protesta pas, comme l’on fait en pareil cas, par politesse. Il ne dit pas : — « Tu n’as pas si peu, tu as beaucoup… » Il dit :

— « C’est vrai. »

(Le lendemain soir, elle se le rappela…)

Mais il était allé chercher une pelisse, et tendrement il en enveloppa les épaules de sa mère. Alors, elle sentit la fraîcheur de la nuit ; et elle frissonna. Il lui prit la main, et ils restèrent, contemplant la nuit et leurs pensées. De la fenêtre au dernier étage, ils voyaient les toits de Florence et, émergeant, les campaniles et le Dôme trapu, arc-bouté sur ses tambours, comme un insecte monstrueux prêt à sauter. D’en bas montait le murmure des fontaines ; et, comme les coqs, les horloges qui se passaient, tous les quarts d’heure, le mot d’ordre, inlassablement rappelaient la fuite du temps. De rares pas faisaient sonner les dalles. Et de la chambre voisine (Annette et Marc souriaient) leur arrivait le petit ronflement décidé de Assia. Annette demanda à son fils :

— « Mon grand, maintenant, es-tu heureux ? »

Il dit :

— « Ma grande, merci ! »

— « De quoi merci ? »

— « De m’avoir fait vivre. »

Elle eut le cœur inondé de joie :

— « Alors, tout compte fait, tu ne regrettes pas l’aventure ? »

— « L’aventure d’être un homme ? » demanda-t-il.