Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/452

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aussi la nuit dans son esprit. Qu’est-ce qu’elle avait pu croire ?…

— « Imbécile !… Tu ne sais qu’inventer… »

Il y avait bien un « b »… Elle se retourna sur l’oreiller… Tout de même, c’était rassurant de savoir que son neveu et sa sœur étaient en Suisse… Grâce à Dieu ! Elle eut besoin de se le répéter, plus d’une fois, cette nuit. La raison était convaincue. L’instinct ne l’était point. Et elle ne s’avouait pas qu’elle s’arrêtait de respirer, chaque fois qu’elle entendait un pas qui montait l’escalier.

Le matin reparut, sans qu’elle eût dormi. Mais elle respirait mieux. Aucun télégramme n’était venu. Les mauvaises nouvelles vont toujours vite.

Ce ne fut pas un télégramme. Ce fut une carte. Elle était bonne. Il y a de bonnes nouvelles qui sont plus terribles que les pires. Le timbre de la poste marquait : « Florence » ; et c’était Marc qui lui écrivait !… Une vague de sang passa devant les yeux de Sylvie. Elle ne vit plus. Et la douleur au ventre une seconde fois la poignarda… Elle se débattait dans le brouillard. Elle voulait lire. Il fallut attendre que la vague retombât. Ses mains tremblaient…

Marc écrivait. Il vivait donc. À quelle date ?… Avant-hier. Marc était gai, tendre, et malicieux. Il plaisantait familièrement la vieille amie. Il lui envoyait une carte illustrée, qui représentait la Madone à la Chandelle de Crivelli, au Musée Brera. La belle personne, fraîche et saine, aux traits nets, fins, un peu secs, qui fait une moue décidée, trône somptueuse et rustique, sous un baldaquin enguirlandé de fruits ; et sa belle main robuste, aux doigts longs, tend à l’enfant une poire.

Et le gamin (celui de Paris) écrivait :

— « Tu te reconnais ? »