Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/494

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détendaient. Le compagnon devait venir. Il fallait vivre !… Elle se disait :

— « Vivre pour Marc !… »

Quand elle l’eut dit, elle eut un sursaut, et devant son miroir, dans son miroir, elle se cracha à la face. Mais la nuit d’après, elle recommença :

— Vivre ou mourir… Mon cher petit, que te servirait-il que je meure inutile ? Tu veux que je vive pour toi. Aide-moi ! Si tu ne peux m’aider, il faut que je m’aide. Je ne le puis seule. Trouve-moi un compagnon ! »

Il le lui trouva. Si ce n’eût été celui-là, c’eût été un autre. Si elle ne le trouve, une Assia se le crée, elle se refait son axe de direction.

Elle n’y arriva pas sans un long et tumultueux combat. Assia n’est jamais dupe, même des illusions nécessaires qu’elle construit. Mais quand est nécessaire l’illusion pour qu’on reprenne pied dans l’agissante réalité, c’est donc que l’illusion est un morceau aussi de la réalité ; et elle a droit à se réaliser… Le droit, la force… Il faut qu’elle conquière son droit.

Elle le conquit durement, orageusement… Assia disparut, pendant des semaines. On ne la vit plus chez Annette. Puis, Sylvie vint rapporter, l’œil mauvais, qu’on avait vu la belle-fille, dans des soirées, très entourée, et qu’on parlait d’un flirt qu’elle avait avec un Américain. Annette accueillait les nouvelles, sans manifester ses sentiments ; et elle ne se départit pas de son affection pour Assia.

Mais quand, après l’éclipse de plusieurs semaines, elle vit Assia revenir, elle eut un trouble, qu’elle tâcha de cacher. Elle le cachait maladroitement. Assia n’était pas plus adroite. Les deux femmes sentaient bien qu’elles avaient quelque chose de grave à se révéler. Mais aucune des deux ne se décidait à parler. Assia,