Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/498

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Annette se montra surtout attentive à ce que Assia dit de celui avec qui elle s’était engagée.

C’était un jeune ingénieur américain, qui avait travaillé quelques années en U. R. S. S. et qui, venu pour le travail, avait fini par être pris par les travailleurs. Howard Drake était arrivé en Russie, imbu de son orgueil de technocrate américain, pour qui les masses sont, comme le monde de la matière, un instrument aux mains expertes des maîtres techniciens. Il avait la loyauté d’avouer que s’il avait appris aux masses de là-bas à mettre l’homme au service de la machine, elles lui avaient appris en retour à mettre la machine au service de l’homme. C’était une vieille vérité, que l’individualisme américain croyait sienne, et qu’il avait, sans s’en apercevoir, oubliée. Il n’était pas trop tard pour la réapprendre, à l’école de ses élèves du vieux monde rajeuni. Drake apportait même un plaisir paradoxal à représenter ces matérialistes de Russie, ces tueurs de Dieu, contre qui l’idéalisme d’Europe et d’Amérique faisait croisade, comme les vrais idéalistes sans le le savoir, contre le matérialisme masqué, musqué, des faux-dévots et des bien-pensants d’Occident.